Construire au Nunavik: Les défis de choisir un terrain

Pour tout projet de construction, l’on compte pas moins de sept grandes étapes avant la première pelletée de terre. De la demande de financement à la signature du contrat, un important travail se fait en coulisses. Maintenant, imaginez construire au Nunavik. C’est une tout autre paire de manches!
Dans cette série de trois articles, nous parlerons des trois étapes clés de la construction au Nunavik : choix du site, conception du projet ainsi que gestion et entretien des bâtiments.
Voici le premier article de la série.
Le Nunavik projette l’image d’un vaste territoire, d’un immense terrain de jeu, de chasse et de pêche, protégé du développement immobilier. Il paraît donc étonnant que la sélection d’un terrain pour construire pose problème. En réalité, il s’agit d’un casse-tête inimaginable.
Les enjeux politiques
« Obtenir des terres est récemment devenu un vrai problème. Toutes les communautés manquent de place, de terrain, d’espace alloué dans la catégorie I », explique la présidente de Kativik Ilisarniliriniq, Sarah Aloupa.
Rappelons ici quelques faits afin de mettre cette réalité en contexte. Signée en 1975, la Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ) est, entre autres, venue découper le territoire du Nunavik en trois catégories. Les terres de « catégorie I » que mentionne Sarah Aloupa appartiennent aux corporations foncières inuit. Non seulement les bénéficiaires de la CBJNQ y ont des droits exclusifs de chasse et de pêche, mais il s’agit de l’unique portion de terre que ceux-ci ont le pouvoir de développer. Or, les terres de catégorie I, morcelées en 14 communautés, représentent seulement 1 % des quelque 1 082 000 km² du Nunavik (source : Comité conjoint de chasse, de pêche et de piégeage, 2025).
Néanmoins, les négociations et les décisions politiques prennent du temps. Dans le cas du Nunavik, elles tardent à suivre les changements démographiques et environnementaux. Qui plus est, même si un emplacement se présente à l’intérieur du périmètre de la catégorie I, de nombreuses contraintes techniques compliquent les efforts de construction.

« L’Association des corporations foncières essaie actuellement de négocier avec le gouvernement pour étendre nos terres de catégorie I, car la population augmente et nous manquons d’espace. »

Les enjeux techniques
Selon un rapport présenté à l’Administration régionale Kativik au mois de février 2024 (source : Nunatsiaq News, 2024), le développement résidentiel au Nunavik est confronté à deux défis : le dégel du pergélisol et le manque de gravier.


« Il y a beaucoup, beaucoup de milieux où l’on ne peut pas construire parce qu’il y a de l’accumulation d’eau au printemps, parce que le pergélisol dégèle… ou parce que c’est sur un chemin traditionnellement utilisé pour partir à la chasse. Nous devons en tenir compte. »
Bien que ces différentes contraintes soient bien documentées, d’autres, plus insoupçonnées, entrent dans le calcul :
« Il faut savoir qu’avec la gestion actuelle des eaux grises et de l’eau potable, plusieurs lieux sont inaccessibles pour la construction. Notamment parce qu’il faut choisir des emplacements beaucoup plus grands pour construire, pour que trois camions puissent se rendre au bâtiment pour s’occuper de l’eau potable, des eaux usées et du mazout », précise le Directeur du Service des ressources matérielles, Jérôme Dionne.

« Si nous avions un système d’aqueduc, comme c’est le cas dans plusieurs pays nordiques, ou même à Iqaluit (Nunavut, Canada), nous pourrions nous permettre de construire à des endroits plus escarpés qui nous sont pour l’instant inaccessibles. La Finlande le fait, par exemple. Ça nous permettrait aussi de choisir des emplacements plus petits. »

Enfin, pour pallier la « pénurie de granulaire », nos équipes intègrent déjà un système de pieux — fixés dans le roc ou dans le pergélisol profond — pour les fondations de nouveaux bâtiments. Cette méthode doit aider à réduire les coûts de construction et permettre de prévenir les risques engendrés par le réchauffement climatique.
Une fois que les fondations sont en place, comment fait-on pour concevoir, construire et entretenir un immeuble au Nunavik? Restez à l’affut; c’est ce que nous explorerons dans un prochain article.