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Reconquérir le qajaq

Thomassie Mangiok
2023 | 04 | 12
Histoires

Vers l’autonomie culturelle

Utilisé depuis toujours pour la chasse, les qajait (kayaks) ont pratiquement disparu du paysage contemporain du Nunavik. Thomassie Mangiok, directeur de centre à l’école Nuvviti, s’efforce de ramener le qajaq comme moyen pour les Inuits de renouer avec leurs racines et leur culture.

Le fait de renouer avec notre culture recueille une importance grandissante. Le qajaq fait partie de ce mouvement, parce qu’il fait partie de nous! Pour les élèves qui suivent le cours de culture, cela leur donne un sens accru de succès et de validation de leur identité. Ils comprennent qu’ils sont bons comme ils sont et qu’ils n’ont pas besoin d’être personne d’autre : ils sont Inuits!

Thomassie Mangiok Directeur de centre à l'ecole Nuvviti

Le qajaq est une embarcation personnelle créée par les Inuits il y a des milliers d’années pour aider les chasseurs à se rapprocher des phoques et des baleines. Traditionnellement, il s’agissait d’un cadre fabriqué de bois de grève ou d’os de baleine, recouvert à l’extérieur de peau de phoque, et doté d’une petite ouverture sur le dessus pour permettre aux chasseurs de s’y assoir confortablement pour le diriger au moyen d’une pagaie.  Il existe plus de 40 types différents de qajait traditionnels, convenant chacun à l’environnement particulier dans lequel ils sont utilisés.

À l’échelle mondiale, le qajaq (plus connu sous le nom de kayak) est très populaire. Plusieurs compétitions sont organisées chaque année dans le monde entier, et il a même sa propre catégorie aux Jeux olympiques d’été. Malgré tout cela, les qajait ne sont presque plus utilisés au Nunavik. Un Ivujivimmiuq travaille toutefois d’arrache-pied pour renverser la vapeur!

Depuis quelques années, Thomassie Mangiok, directeur de centre à l’école Nuvviti, organise des ateliers de fabrication de qajait dans le cadre du cours de culture de l’école. Sous l’œil attentif du maître constructeur et passionné de kayak Alain Cloutier, dans le cadre d’ateliers organisés à travers le Nunavik, des  élèves ont réalisé plusieurs qajait. L’une de leurs œuvres réalisées à Puvirnituq a même été achetée pour faire partie de l’exposition permanente du Musée canadien du canot à Peterborough, en Ontario.

Je n’encourage pas les élèves à mettre le qajaq à l’eau par eux-mêmes. Il existe un réel danger naturel, de sorte que l’activité doit être bien contrôlée… Aller sur l’eau représente un danger certain, tout particulièrement dans les régions froides.

Alain Cloutier Maître constructeur

Pour Thomassie, les ateliers ont même une importance supérieure : « Le fait de renouer avec notre culture recueille une importance grandissante. Le qajaq fait partie de ce mouvement, parce qu’il fait partie de nous! Pour les élèves qui suivent le cours de culture, cela leur donne un sens accru de succès et de validation de leur identité. Ils comprennent qu’ils sont bons comme ils sont et qu’ils n’ont pas besoin d’être personne d’autre ; ils sont Inuits! »

 

La coordination des ateliers peut être compliquée. La plupart des matériaux doivent être achetés au sud et expédiés sur place, mais « l’effort en vaut le qajaq »! Les élèves apprennent toute une variété de compétences, notamment le travail d’équipe et des techniques de travail du bois, comparables à celles d’un cours d’ébénisterie pour débutant. Du début à la fin, la construction d’un qajaq peut habituellement exiger jusqu’à trois semaines.

 

Mettre le qajaq fini à l’eau est cependant un peu plus compliqué. La fenêtre d’apprentissage du qajaq est plutôt courte en raison des conditions climatiques, et on ne peut le pratiquer que dans certains endroits désignés. Le formateur Alain Cloutier explique : « Je n’encourage pas les élèves à mettre le qajaq à l’eau par eux-mêmes. Il existe un réel danger naturel, de sorte que l’activité doit être bien contrôlée… Aller sur l’eau représente un danger certain, tout particulièrement dans les régions froides. »

L’une des techniques les plus importantes que doivent connaître et maîtriser les kayakistes est l’esquimautage. Il s’agit d’une manœuvre permettant au kayakiste de faire faire un tour complet au qajaq en cas de renversement, de manière à revenir sur l’eau. C’est crucial dans le dur climat du Nunavik où le risque de renversement est plus élevé. Alain insiste d’ailleurs sur l’aspect de la sécurité personnelle lorsqu’on fait du qajaq : « J’encourage les gens à pratiquer pendant deux ou trois ans avant de s’aventurer seuls. »

 

Que réserve l’avenir au qajaq et à l’école Nuvviti? Thomassie a un rêve : « Depuis toujours ça me trotte dans la tête… Ramener les qajait, construire des qajait, mais [traditionnels] d’Ivujivik… Cela dépend de plusieurs choses, mais nous accumulons lentement de l’expérience et de l’espace, pour enfin avoir un endroit juste pour les qajait. » Malgré les défis naturels que représente la réalisation d’un projet à partir de rien, Thomassie travaille sans relâche à la mise sur pied d’une école de qajaq comprenant ateliers, lieu d’entreposage et cours de qajaq pour la communauté.

Nous vous garderons informés de tout nouveau développement, mais d’ici là, bon qajaq en toute sécurité!