Publications

Entrevue sur les récompenses pour états de service avec Elaisa K Saviadjuk

Photo: Gabriel Gagnon
2021 | 10 | 18
Histoires

En mars 2020, nous avons parlé avec Elaisa K Saviadjuk à Salluit. Elaisa est enseignante à la maternelle de l’école Pigiurvik depuis plus de 20 ans. À cet égard, elle est aussi récipiendaire du Prix Mitiarjuk Nappaaluk. Nous tenions à la rencontrer afin de souligner son engagement auprès des jeunes nunavimmiut, mais aussi afin d’en apprendre plus sur son parcours, ses motivations et ses plans pour le futur.

Hormis une année ou deux, Elaisa est demeurée enseignante à la maternelle pendant plus de 20 ans, par amour pour son emploi. Tout a commencé par les remplacements qu’elle faisait :

Je pensais que je ne serais jamais bonne pour enseigner, mais j’ai commencé à remplacer des professeurs et… et je suis devenue une apprentie. […] Après avoir débuté, j’ai commencé la formation [des maîtres]. La formation [des maîtres] avait lieu chaque été, pendant trois semaines entières. […] J’ai obtenu mon diplôme de l’Université McGill en 2006 à Akulivik.

Elaisa K. Saviadjuk Kindergarten teacher at Pigiuvik School

Interrogée sur sa motivation, sur ce qui l’a encouragée à obtenir sa licence d’enseignement et à travailler aussi longtemps auprès des jeunes, Elaisa répond sans hésiter « mon mari ».

« Mon plus jeune fils et mon mari me soutenaient énormément à l’époque. Mon mari m’a tellement encouragée que j’ai réussi à terminer mon programme d’études ».

En faisant ainsi le survol de ces quelque 22 années à enseigner, Elaisa avait plusieurs éléments de sagesse, de bonheur et de fierté à partager :

« J’enseigne à des tout petits. Des enfants de cinq ans. Oui… Tous les matins, tous les jours lorsqu’ils me voient ils sont heureux. Oui, on dirait qu’ils comptent sur moi, vraiment. Parfois, ils me voient comme quelqu’un de spécial, mais pas tous les jours (rire).

Même quand ils sont petits, qu’ils ont cinq ans, ils savent que je serai réellement là pour eux. Je souhaite les accueillir tous les jours.

Un jour, il a un bon moment de cela, j’avais une jeune fille de cinq ans pour qui ce n’était pas toujours facile à la maison. Cette jeune fille m’a rappelée que je dois m’ouvrir aux tout petits. Lorsqu’elle venait en classe et qu’elle pleurait… Je pleurais avec elle.

On doit s’ouvrir à eux, même s’ils sont jeunes.

[…] J’ai un autre exemple. Il y avait ce petit garçon en maternelle C – je suis en maternelle A – qu’on avait transféré dans ma classe parce qu’il était hyperactif. La soirée de la remise des bulletins, sa mère vient me voir et me dit que chaque midi, il veut retourner à l’école, mais que ça ne lui est jamais arrivé auparavant! J’étais tellement heureuse! Je veux dire, il a dit à sa mère qu’il voulait venir à l’école après le dîner. Il a dit qu’il aimait l’école! […] Parfois, lorsque je suis malade et que je ne suis pas là, lorsque quelqu’un me remplace, [les jeunes] se déchaînent (rire)! Mais quand je suis là, ils me respectent tellement ».

Dans toute son humilité, l’enseignante émérite nous a aussi fait part de ses inspirations et de ses modèles au cours de sa carrière :

« Le travail est parfois difficile. […] Il y a des hauts et des bas. [Mon mari] me soutenait beaucoup, m’encourageait à continuer. Et puis, il y a aussi cette femme, qui était conseillère pédagogique pour la formation des maîtres. Elle m’aidait vraiment beaucoup. […] Dans l’écriture des syllabiques, principalement. Et lorsqu’elle a pris sa retraite, je ne savais plus vers qui me tourner… »

Profitant de cette ouverture sur le sujet de la retraite, nous lui avons demandé si elle avait des plans pour le futur. Elaisa semblait un peu surprise : « Oui, continuer d’enseigner. Jusqu’à ce que je prenne ma retraite, oui ».

Enfin, pour la postérité, nous lui avons demandé ce qu’elle conseillerait à la jeune Elaisa, de 12-13 ans, si elles se rencontraient. Nous croyons que sa réponse devrait être entendue par tous les jeunes qui aspirent à la profession d’enseignant : « Je lui dirais « Tu peux le faire. Crois en toi, tu es forte » ».

 

*Le Prix Mitiarjuk Nappaaluk est décerné aux employés qui ont collaboré pendant 20 ans au succès de Kativik Ilisarniliriniq.

Ce prix a été nommé en l’honneur d’une aînée bien-aimée de Kangiqsujuaq qui était l’une des enseignantes de culture traditionnelle inuite et d’inuktitut les plus respectées au Nunavik. Mitiarjuq a toujours travaillé avec ferveur pour s’assurer que l’histoire, les légendes, les traditions et les expressions d’antan soient consignées avant de disparaître complètement du vécu et de la mémoire des gens.