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Donner une leçon à quelqu’un

PHOTO: GABRIEL GAGNON
2023 | 02 | 1
Histoires
Discussions libres

avec Andrea Brazeau

L’expression “ donner une leçon à quelqu’un ” a une connotation apparemment négative, mais si on la prend au sens littéral, avec un angle différent, elle peut être considérée comme positive. Tout au long du primaire, la plupart des élèves expriment, à un moment ou à un autre, des sentiments mitigés à l’idée de se lever tôt le matin pour aller à l’école.

« Aaaahhh… c’est quoi, une sorte de punition? Hé l’arbitre, qu’est-ce que j’ai fait pour me retrouver pogné derrière un bureau pendant tant de périodes? »

Heureusement qu’il y a des enseignants vers qui on peut se tourner, qui savent stimuler les esprits et motiver les jeunes à se rendre à l’école chaque jour. Par chance, j’ai rencontré une enseignante qui correspond exactement à cette description : Andrea Brazeau, diplômée postsecondaire qui a ramené le savoir dans sa communauté natale!

J’aime croire que j’ai aidé mes élèves à développer leur estime de soi tout au long de l’année scolaire. C’est l’une des plus importantes choses que je puisse faire en classe parce que ça leur permet de réussir à l’école!

Andrea Brazeau Enseignante à l'école Ulluriaq, Kangiqsualujjuaq

À sa première année comme enseignante, Andrea a décroché un poste en quatrième année à George River. Ce fut pour elle une occasion en or de mettre en pratique, d’adapter et d’affiner les techniques de gestion de classe apprises pendant ses études de baccalauréat ès arts à l’université McGill.

«  La gestion de classe, c’est la clé! À partir de là, vous pouvez renforcer la confiance et l’estime de soi des élèves, qui acquerront ensuite les compétences nécessaires pour réussir.  » explique Andrea.

«  Tu sembles savoir comment t’y prendre avec les jeunes.  »

«  J’adore travailler avec les jeunes! Je le fais d’ailleurs depuis toujours. C’est un peu comme de donner un bon spectacle chaque jour. Quand on interagit avec des jeunes, il faut être énergique et amusant!  » raconte-t-elle avec enthousiasme.

Adopter une approche positive peut transformer le comportement d’une personne. En renouvelant constamment le processus d’apprentissage tout en s’assurant que c’est amusant, ça a un effet positif sur l’éducation, et Andrea sait comment ramener le plaisir dans la partie. Au secondaire, Andrea était une joueuse passionnée de hockey qui aidait à entraîner les jeunes joueurs Atomes et Peewee.

« Coach Brazeau, faites entrer le tableau blanc sur la glace! »

Andrea prépare ses cours le dimanche en se demandant :

«  Quel est mon but cette semaine?  »

Je me pose d’ailleurs la même question au moment d’écrire cet article. Quel est mon but? S’agit-il de parler de ce qu’apporte Andrea à l’équipe-école d’Ulluriaq? Comment dois-je m’y prendre? Essayons de répondre à ces questions en faisant de cet article un centre d’apprentissage. Jetez un coup d’œil au tableau blanc, transformé pour l’exercice en patinoire qui nous servira à illustrer les « jeux » d’Andrea ou, en termes simples, son approche pédagogique.

Pour les jeunes qui considèrent l’école comme une punition qui leur est imposée par leurs parents (aussi appelés « arbitres »), essayons de leur montrer un nouvel angle de vue de la partie en les dirigeant vers le banc des punitions.

« Tu vois cette glacière sur le plancher, sous le banc? Hé bien, elle contient des rondelles gelées. »

Commençons par choisir au hasard un des cours d’Andrea. Imaginons maintenant que la glacière représente ce cours. Divisons maintenant le cours en plusieurs parties, chacune représentée par l’une des rondelles gelées. Chaque fois qu’Andrea pose une question – potentiel tir au but – elle met une nouvelle rondelle en jeu pour faire une passe à un élève. Une mauvaise réponse, et la rondelle frappe le poteau ou la barre horizontale sans entrer dans le but. Une bonne réponse, et la rondelle entre dans le filet!

« Bras levés, bâton dans les airs…
L’élève peut-il réussir un tir à la réception de la passe d’Andrea et compter?
»

«  Lorsque que je me sers du tableau blanc, chaque élève a la chance de répondre, de sorte que je sais vraiment qui maîtrise la matière.  » explique Andrea.

«  C’est comme ça que tu suis la partie, c’est bien.  »

«  Ouaip! Ça demande beaucoup d’observation, mais en fin de compte je sais vraiment à quel niveau ils se situent.  »

«  Quels sont tes objectifs en tant qu’enseignante?  » explique Andrea.

«  Je veux que mes élèves renforcent leur compétence en littératie. S’ils sont capables de lire et d’écrire, ils pourront faire ce qu’ils veulent dans la vie. J’utilise beaucoup d’images pendant les tests pour les guider dans l’acquisition d’une langue seconde.  »

Désormais enseignante dans l’école où elle était autrefois élève, Andrea consolide son rôle en établissant un pont entre la langue d’enseignement et la langue seconde. Elle sait déjà de quoi est fait le pont… à ce stade-ci, elle peut se concentrer sur le resurfaçage de cette passerelle qui lui est familière afin que ses élèves puissent l’emprunter en toute confiance.

« Allez les enfants, suivez-moi! Je vais vous simplifier la tâche. »

«  Quand j’enseigne un truc plus difficile à comprendre, je répète les consignes en inuktitut pour m’assurer que les élèves saisissent bien le concept, puis je reprends à nouveau l’explication en anglais.  »

«  Tu utilises donc simultanément la répétition et l’association. Bonne idée!  »

«  Pour ce qui est de la confiance, un autre de mes objectifs c’est de les encourager à devenir de bonnes personnes. Ils doivent prendre conscience des personnes qui les entourent et les respecter. En gros, je m’efforce de leur enseigner les bonnes manières et les compétences de base pour la vie.  »

«  Merveilleux! Y a-t-il autre chose que tu voudrais ajouter avant qu’on ne mette fin à la conversation?  »

«  Je pense qu’en étant enseignant, on obtient beaucoup en retour. C’est une profession très exigeante, mais en même temps si gratifiante. Ça en vaut vraiment la peine.  » finit par conclure Andrea.