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Récompense pour les états de service : entrevue avec Serge Molière

Photo: Joseph Denis-Pelletier
2021 | 12 | 9
Histoires

Vers la fin de septembre 2021, nous avons rencontré Serge Molière à l’école Isummasaqvik, à Quaqtaq. Celui-ci accumule déjà 34 années d’expérience dans les écoles du Nunavik. À cet égard, Serge Molière est récipiendaire du prix Elisapee Tukkiapik pour ses années de service.

Nous tenions à le rencontrer afin de souligner son engagement auprès des jeunes nunavimmiut, mais aussi afin d’en apprendre plus sur son parcours, ses motivations et ses secrets de longévité.

 

Récompense pour les états de service : entrevue avec Serge Molière

 

Originaire de France, Serge Molière raconte être initialement allé au Nord pour réaliser un rêve de jeunesse.

« Jeune, je dévorais les bandes dessinées de Jim Canada. C’était l’histoire d’une police montée qui parcourait le Nord avec des chiens. Donc, j’étais accro à ça. Cette bande dessinée. Et quand le moment s’est présenté dans ma vie, eh bien j’ai postulé pour Kativik (KI), pour vivre l’expérience du Nord.

[…] En fait, j’étais monté pour un an et puis euh… Tu sais ce qui fait la différence entre un bateau et un Français? C’est que le bateau, lui, repart ».

En effet, Serge n’est pas près de mettre les voiles. Ayant passé 20 ans comme enseignant à Inukjuak, puis 9 ans comme directeur à Kuujjuaraapik, cela fait maintenant 5 ans qu’il est directeur de l’école Isummasaqvik à Quaqtaq.

Quand je suis arrivé [au Nunavik], j’étais un Qallunaat. C’est-à-dire que je suis venu avec le résultat de mon éducation et de mon instruction. Ce que je connaissais de la culture, c’est ce que j’avais lu. […] Avec les années, je me suis imbibé de [la culture inuit]. Ils m’ont ouvert l’esprit sur ce qu’est la liberté. Ce sur ce qu’est l’importance du moment présent.

Serge Molière Directeur à l'école Isummasaqvik

Par ailleurs, durant toutes ces années, il s’en est brassé des projets dans la vie de Serge : les déjeuners à l’école, les camps d’été pour l’alphabétisation, les Nurture Class, le gymnase interactif (Lü Gym), etc. Et Serge regarde encore vers le futur, avec sagesse, car des projets qu’il souhaite réaliser sont encore sur la planche :

« Parce que je sais très bien que, quand une idée… Tout le monde adore la nouveauté, mais tout le monde haït le changement. Donc pour changer, ça prend énormément de temps ».

 

Intervieweur : Je vois que tu parles de tout ça avec beaucoup de passion, ça fait qu’il va peut-être être difficile de répondre à ma question : est ce qu’il y a un moment, dans toutes ces années-là, qui t’a rendu particulièrement fier?

Serge Molière : Tous les jours! […] Il n’y a pas un jour qui passe où je ne suis pas content de venir au travail, où je ne suis pas content de voir les enfants. Même en temps de COVID, les petits, ils me voient, ils me courent après, et puis ils m’enlacent. C’est une grosse partie de mon salaire. […] Ils… Ils m’ont donné plus. Plus que j’ai pu donner. Ils m’ont enseigné beaucoup plus de choses que moi j’ai pu leur renseigner.

Personnage haut en couleur, rempli d’anecdotes, de vécu et de réflexions philosophiques, Serge a aussi des conseils à partager avec les futurs enseignants :

« Moi je leur dis, il y a une règle fondamentale de la survie au Nord. C’est la règle des “3P” et la règle des “3R”. Surtout dans le domaine de l’éducation. La règle des “3P” c’est patience, patience, patience et la règle des “3R” c’est répète, répète, répète. »

Intervieweur : Hahaha! C’est pas trop difficile à retenir.

Serge Molière : C’est pas trop difficile, mais c’était essentiel.